Et si finalement la solution n’était pas d’allier les 2 cultures afin d’attiser la curiosité du plus grand nombre. C’est ce que la chaîne Beats & Politics s’évertue à faire, avec des compositions musicales d’Usmar, accompagné du travail graphique de Kylab, le tout pour mettre en avant la pensée d’un·e grand·e philosophe étayée par un·e orateur·trice. On a voulu en savoir plus…
PWFM – Hello hello ! 🙂 Qui es-tu Usmar et peux-tu nous présenter le projet Beats & Politics en quelques mots ?
Usmar, auteur, compositeur, interprète, producteur. J’ai commencé à vivre de la musique il y a 15 ans, d’abord dans le circuit des musiques actuelles (2 albums en 2005 et 2009), et aujourd’hui j’évolue dans le spectacle vivant. Je compose pour des metteur·trice·s en scène de théâtre, de marionnettes, des chorégraphes et je travaille aussi sur mes propres créations en collaborant avec d’autres artistes (notamment Tony Melvil – plus de 300 représentations).
Concernant B&P, j’avais commencé en 2015 uniquement sur YouTube en testant ce principe d’aller récupérer des interviews d’intellectuel.le.s dans des émissions.
Les élections de 2017 approchaient et j’avais envie d’utiliser mon art pour sensibiliser les plus jeunes à s’intéresser à la politique (dans le sens noble du terme : la vie dans la cité). En 2020, avec le temps qui s’offrait à nous, j’ai relancé le projet B&P mais cette fois-ci avec une approche plus philosophique que sociale et économique. Toujours avec Kylab, le graphiste qui avait commencé avec moi en 2015.
Vous alliez philosophie et musique, pourquoi cette envie ? Quel message tentez-vous de passer ?
Dans mon travail, j’alterne entre composition pour les autres et projets personnels. En tout cas, à chaque fois, je cherche un concept, une ligne directrice. Je venais de sortir un nouvel album de chanson (ça faisait 10 ans) et je cherchais donc un nouveau projet personnel pour m’exprimer. Il se trouve que je lis beaucoup de philosophie, des auteurs, des livres m’ont aidé à mieux vivre. J’avais donc envie de réunir les deux et de faire découvrir certaines idées par le prisme de ma discipline. J’ai mis à profit le temps qu’il nous a été offert ces derniers mois, n’ayant plus de tournées.
J’ai envie de proposer du sens. Faire découvrir des concepts, des pensées, des idées. Tout ce qui a trait à la connaissance de soi pour permettre de mieux vivre ensemble. La philosophie est un travail pour se transformer soi et la politique pour transformer la société. les deux sont indispensables et ne peuvent se substituer l’un à l’autre.
Comment sélectionnez-vous les sujets & orateur·trice·s ?
Ça commence souvent par un auteur, une lecture. Après je cherche une interview dans une émission qui pourrait reprendre l’idée forte que j’ai découverte. Je passe beaucoup de temps à écouter des podcasts, des vidéos d’émissions de télé (les regrettées « Ce soir ou Jamais » ou « les grandes questions »).
Seulement après je mets en musique, trouver la bande-son idéale pour mettre en valeur le discours. S’ajoute le défi de condenser une pensée, un concept philosophique en quelques minutes pour rester accrocheur. L’idée, c’est d’être une introduction, pas un résumé. Si l’auditeur adhère et qu’il veut en savoir plus il est invité à consulter la source de l’émission et je propose toujours une bibliographie associée.
A terme, comment voyez-vous la suite et quel est le but de ce projet ?
J’ai beaucoup de perspectives et d’idées en tête, cela dépendra du succès du podcast.
J’aimerais bien en faire un spectacle plus qu’un concert. La forme concert ne m’intéresse plus tellement. J’ai envie de pluridisciplinarité, mélanger musique, vidéo, avec un comédien, un rappeur ou encore un danseur…
C’est ce que je défends depuis toujours dans ma démarche artistique, les mélanges, c’était déjà le cas dans mes premiers disques, ça l‘est encore plus pour la scène.
Question bonus 1 : D’après-vous, est-ce que le dancefloor est un espace politique ?
Je ne pense pas. C’est d’abord un espace social plus que politique.
Si la politique est prise dans son sens originel, (l’organisation de la cité), je ne vois pas comment la piste de danse nous aiderait à bâtir un meilleur vivre ensemble.
J’y vois, au contraire, plus un moyen de s’échapper de la cité, de l’injonction de la vie sociale. Quand on danse ensemble ou seul, c’est selon moi, plus un moment pour s’échapper, fuir, de ne plus respecter les règles, s’extraire de soi et des autres.
Question bonus 2 : Pensez-vous que les professionnel·le·s des musiques électroniques doivent prendre la parole sur les sujets politiques comme les violences policières, le féminisme, les minorités invisibilisées, etc… ?
Un artiste prend déjà position dans sa démarche artistique, tout message artistique veut dire quelque chose (cela arrive aussi qu’il ne dise pas grand chose.) Après, libre à chacun d’aller plus loin et de prendre la parole. Cela dépend tellement de notre histoire, de notre parcours de vie.
Pour ma part, je pense, je crois, j’ai des avis, mais je ne vais pas les étaler et débattre sur Twitter ou Facebook. Quel légitimité a t-on ? Notre époque veut nous faire croire qu’on peut avoir un avis sur tout et que cet avis a la même valeur que celui du scientifique, de l’économiste, du sociologue, du philosophe ou du sélectionneur de l’équipe de France. Aujourd’hui tout se vaut donc rien ne vaut. Nietzsche disait que le nihilisme viendrait ronger notre civilisation, ça y est on y est !
En tout cas la philosophie m’aide à m’éloigner de tout cela, à régler ma vie intérieure, tenter d’éviter toute forme de ressentiment, à travailler sur la lucidité et la recherche d’une certaine forme de sagesse (celle de Montaigne plutôt que celle d’Epicure ou Spinoza inaccessibles).
Question bonus 3 : Un souhait pour l’avenir ? 🙂
Pas de souhait, pas d’espoir. Essayer d’être dans l’action, créer, rencontrer des personnes et monter des nouveaux projets.
La culture a été mise à mal ces derniers mois et reléguée comme une vulgaire variable d’ajustement pour l’accès à la joie et au bonheur mais aussi à la connaissance, à la réflexion. La culture parle autant au corps qu’à la psyché. L’art consiste à manipuler des mots, des images pour produire des changements dans la conscience des gens. Un artiste est aujourd’hui ce qu’il y a de plus proche dans notre monde contemporain d’un magicien, d’un sorcier ou d’un chaman, voire d’un philosophe antique. L’art et la philosophie interrogent notre condition humaine et notre désir d’infini.