Jan
7, 2019
French Paradox : « On revendique une esthétique et une ouverture d’esprit ! »
Il y a peu, je partais à la rencontre de Julien Daïan, Marseillais devenu Parisien d’adoption, jazzman dans l’âme mais avant tout éternel mélomane. Avec son associé Yacine, un nouveau label voit le jour, répondant au doux nom de French Paradox. Quand les créateurs disent d’eux-mêmes qu’ils ont « les pieds bien ancrés dans leur époque, et souhaitent ouvrir le monde du jazz à un public divers », cela ne pouvait qu’attiser et attirer nos écoutilles. Et si finalement il était temps de casser les barrières entre genres musicaux, et tout simplement partager une passion commune ? On a bien évidemment discuté musique, au sens large du terme, autour de quelques kirs au troquet du coin, mais pas que…
Remettons les éléments dans le contexte… Tout démarre avec Julien Daïan Quintet à l’aube des années 2000. Après des études de droit, et quelques années au conservatoire, notre protagoniste du jour s’associe à des briscards des bancs de l’école, et en découle une première formation jazz.
L’état d’esprit, l’improvisation, la liberté, l’exigence… « Le jazz, c’était la musique la plus avant gardiste, la plus cool. Avant, c’était des sales mecs, depuis ça s’est assagi. Ce sont des torturés qui jouent une musique d’excellence. On a tendance à penser que le jazz, c’est « plan-plan », alors que les mecs sont encore plus fous. Ça leur permet de pouvoir s’exprimer librement, en jazz, t’as le droit de tout faire ! ».
Nos jeunots montent donc leur projet, acoustique, dont l’ampleur gagne en modernité en intégrant des platines. L’équipe est investie, un vrai travail de groupe se forme, mais « c’est bien quand quelqu’un dirige ». Ce sera Julien.
Et dès le début, un mot d’ordre :
Des collabs ! Tous les potes qui faisaient du son venaient, et on taffait ensemble. Quand tu ne connais pas le mec, c’est plus simple mais ça va moins loin que si tu as l’humain et l’affect. Les projets manquent cruellement d’humain, avec la peur de s’engager dans un travail de groupe.

Et finalement, notre oisillon du jour ne sera que le fruit de cette philosophie. French Paradox peut se pavaner d’être jeune mais entouré par des mecs qui ont de la bouteille. Frère d’Antipodes Music, le nouveau né est le résultat de l’union de Yacine et notre jazzman : « il a toujours été présent et enthousiaste, il a poussé et soutenu. Il m’a laissé les clés du label pour le développer ».
Ce qui a pour fondement le jazz est avant tout un vrai projet culturel d’échanges, avec cette mentalité anglo-saxone où « les choses ne sont pas autant cadrées qu’en France. Etre libre d’esprit, avoir une forme de créativité, on ne veut pas être formatés. On pourrait très bien avoir une sortie d’un groupe de pop si ça adhère à nos valeurs ».
Mais chers lecteurs assidus, vous me direz… où est la musique électronique ? Et c’est bien là où les garçons ont été malins, un remix est disponible à chaque sortie. Pour ce premier opus, l’on découvre un titre tout en finesse, et bien pensé réalisé par DJ Borz.
Ce qui frappe, c’est cette nécessité de proposer un package. La musique c’est bien, l’esthétique c’est encore mieux. De prime abord, l’on pourrait penser que c’est un étrange paradoxe que de voir un jazzman avec une casquette, alors que le musicien est en adéquation totale avec son mantra : » on a envie d’avoir des trucs cools, on revendique une esthétique et une ouverture d’esprit ». Celui qui prône d’arrêter les concepts préconise de trouver déjà un sens pour soi, « cela en donnera ensuite pour les gens. Les plus grands projets sont des expériences humaines ».
Il ne nous en fallait pas plus pour nous attarder sur le fameux clip du remix, qui n’est pas sans rappeler l’univers fourni et onirique de Rone. Quand notre instigateur parlait d’affect et esthétique, en voici le résultat à plein nez. Prenez pour exemple une ancienne voisine, très rock’n’roll, années 80, mère d’un bambin haut comme plusieurs pommes qui font dix-huit ans. Appelons le Morgan et faisons en sorte qu’il soit élève dans une école d’animation. « Je vois ses dessins, c’est super cool, je lui propose donc de réaliser le clip du remix ! Il me demandait si il fallait que ce soit jazz… Je l’ai décadré : sois à l’aise dans ton univers ! ».
Il aura suffit de deux, trois jours, quelques échanges et le résultat est là. » Tu vois, à vingt-cinq ans, il y a moins de considérations monétaires, les artistes veulent juste créer, sans sens particulier ». Bingo, le résultat est au rendez-vous !
Mais alors, c’est quoi être un label de nos jours ? « Ca prend du temps de faire un projet, tu t’en occupes de trois, quatre… Un bon label, c’est un bon artiste ». Finalement, là est également une des pierres angulaires de French Paradox : une bonne production, réfléchir sur les mix, aller chercher le meilleur mastering, tels sont les éléments indispensables pour réaliser un beau produit.
Il faut des mecs qui ont des couilles. Diriger les mecs en studio pour les faire avancer… A l’image de Quincy Jones, il poussait ses artistes, il allait en stud’, il était arrangeur, c’était un musicien !
La boucle est-elle bouclée ? Alors que les habitudes veulent que chaque style soit confiné, les musiciens sont pourtant confrontés aux mêmes problématiques… Un seul mot d’ordre, unissons-nous ! Vous l’aurez compris, toutes les propositions sont les bienvenues, les démos également.
« La diversité culturel, c’est la vie. Et puis l’avantage c’est que l’on s’appelle Paradox. C’est ce que je veux, être libre comme l’air ! »
On se donne rendez-vous au premier trimestre 2019 avec leur prochaine sortie, celle du Tropical Jazz Trio. Soyez prêts !
– Accéder à la page Facebook du label –
– Accéder à la page Soundcloud –
Photo en une : Minibixx