Nov
30, 2020
INTERVIEW – Anetha et sa famille s’engagent pour une scène plus verte et responsable !
Ce sont des sujets qui reviennent de plus en plus sur la table… Après plusieurs mois d’introspection, il est grand temps de repenser l’industrie musicale qui est malheureusement loin d’être la plus exemplaire en terme d’écologie et circuits courts. Des voix s’élèvent, dans toutes les couches de l’écosystème, jusqu’aux superstars, à l’image d’Anetha. Nous sommes parti·e·s à la rencontre d’Anna, Jules, Xavier, Joy et Yann pour nous en dire plus sur Mama Loves Ya.
Hello ! Pouvez-vous vous présenter et également parler en quelques mots de Mama Loves Ya ?
Jules (Daddy cool) – Management) : Hello ! Alors on est une famille « recomposée » de sept membres : cinq co-fondateurs à l’origine du projet – Anetha of course, notre Mama à l’initiative de tout ça – Joy qui s’occupe des bookings – Yann qui pilote la partie communication – Xavier qui manage les aspects musique / label et sustainability, et Jules – je m’occupe plutôt de la partie Management, et de veiller sur la famille au quotidien bien sûr 🙂 Cinq + deux artistes français super cools fraichement intégrés nos côtés : ABSL & UFO95.
Mama loves ya, en quelques mots, c’est une communauté qui a pour objectif d’aider des artistes, plutôt émergent·e·s, à se lancer ou à booster leur carrière, en leur proposant une aide full services, sur mesure. Après avoir pas mal accompagné Anetha ces dernières années, on s’est rendus compte qu’une carrière de DJ, ça tient a beaucoup de choses. Il faut jouer de la (bonne) musique, faire des super prestations, avoir un·e excellent·e bookeur·se – évidemment ! Mais aussi savoir communiquer (avec son public, sur les réseaux), produire des tracks de qualité, (si possible) avoir un label, être calé·e sur l’administratif (édition, intermittence, comptabilité etc.), le tout en étant capable de jouer un peu partout dans le monde tous les weekends. Bref, fatiguant, pas toujours simple de jongler entre tout ça, et encore moins de concilier sa carrière avec une démarche écologique…
Pour faire les choses bien, il faut interagir avec beaucoup d’intermédiaires, ça peut coûter pas mal d’argent, et surtout prendre beaucoup de temps – au détriment – malheureusement – de la musique ! Il faut s’avoir s’entourer des bonnes personnes et anticiper tout ça dès le départ. On propose donc d’aider les artistes sur tous ces aspects-là, pour qu’ils puissent se consacrer à l’essentiel.
La vie des artistes est très souvent idéalisée, voire fantasmée. Très concrètement, dans le « monde d’avant », c’était quoi la routine d’un·e DJ en tournée ?
Anetha (La Mama – Développement) : Ahah – bonne question. C’est vrai que tout le monde a l’impression que c’est « un des meilleurs jobs du monde ». Visiter 50 pays / 100 villes par an, devant un super public, faire la fête tous les weekends, rencontrer des cultures différentes, manger dans des supers restos, tout en étant super bien payé·e. Il faut admettre que dans l’ensemble, c’est vrai hein ! C’est une chance de pouvoir expérimenter tout ça, de vivre de cette passion. J’en ai conscience.
Mais on arrive pas là en 6 mois et sans efforts ! Jules en parlait, il y a aussi un envers du décors :
La pression, le rythme, la fatigue, les déplacements, tous les à-côtés à gérer en dehors, la question de l’écologie, de la vie de famille aussi. C’est parfois compliqué, et ces derniers temps, la routine c’était souvent beaucoup de stress – self-service à l’hôtel avant la date – réveil après 3h de sommeil pour enchainer le lendemain – la compta – les envois du label – la pression (parfois) des réseaux sociaux, Anetha.
Tout de suite on est moins dans le fantasme là ahahah. Avec le confinement, on s’est dit qu’on voulait faire différemment. Et qu’on avait envie d’aider d’autres artistes à anticiper et gérer ces choses-là. Pour justement profiter au maximum des meilleurs aspects de la vie d’un DJ.
Nous voici donc au « monde d’après »… Et de nombreuses prises de conscience se font. Votre projet tourne principalement autour de l’écologie et du circuit court. Pourquoi est-ce nécessaire, voire fondamental, de s’engager en ce sens ?
Xavier (Big Bro’ – Label & Music) :
Exemple simple : en un seul mois, l’empreinte carbone d’un DJ équivaut à celle d’un citoyen français en un an. Et dire que « c’est pas top », c’est un euphémisme, Xavier.
C’est fondamental de s’engager aujourd’hui car en protégeant l’environnement et la nature, en régulant son impact carbone, on protège la capacité des sociétés humaines à se développer demain : le monde, c’est comme notre famille, il faut qu’on prenne soin les un·es des autres. On doit apprendre à mieux vivre ensemble.
Quelles actions concrètes mettez-vous en place afin de limiter les impacts sur notre planète ?
Toujours préférer le train plutôt que l’avion, réduire autant que possible les déplacements en restant à proximité du lieu de l’évènement, mieux communiquer avec les promoteur·euse·s pour réduire les distances entre gigs, manger local et bio si possible… Mais parce que c’est pas suffisant, on opte aussi pour un programme de compensation de notre consommation carbone, afin de viser la neutralité, voire mieux. Et puis on se met l’objectif de participer à des actions sociales et locales selon la ville où la famille se déplacera. Nous allons aussi tout faire pour que notre shop, nos labels et notre merch soient éco-responsables. Pour terminer nous souhaitons créer un éco-rider pour permettre de réduire la consommation de plastique dans les clubs, les festivals, et toutes sorte d’évènements auxquels notre famille participe.
Pensez-vous que le public va devenir de plus en plus attentif à ce genre de dispositifs ? Et pensez-vous que d’autres professionnel·le·s vont suivre, quitte à laisser quelques privilèges de côté ?
Joy (Soul Sis’ – Bookings) : Cette pandémie nous a fait prendre conscience qu’on est tou·te·s dans le même bateau. Après tout, il n’y a pas que la nuit qui est à l’arrêt, on est tou·te·s à l’arrêt. Aussi dure que cette période soit, je vois personnellement naître un sentiment d’unité, on découvre qu’on est pas si différent·e·s les un·e·s des autres.
On comprend aussi que, qui que l’on soit, nos actions ont un impact. Je pense que les gens, après avoir réfléchit autant de temps, se sont réveillés. Ils ont compris ce qui n’allait pas et ils ont vu les déboires du consumérisme, Joy.
J’ai aussi vu le réveil des consciences dans mon travail, dans l’industrie musicale, auprès des agences, des festivals, des clubs… Tou·te·s réfléchissent et communiquent de plus en plus sur l’écologie. Je suis certaine que les artistes suivront, même si cela signifie un quotidien parfois moins pratique et moins confortable, et quelques concessions à faire. Il est temps d’unir nos forces pour protéger l’environnement, pour nous et pour les générations futures.
Vous parlez beaucoup de famille, et notamment en partageant vos revenus de manière équitable. Pourquoi avancer en ce sens ?
Yann (Fairy godmother – Communication) : On explore, on explore ! Dans une famille, ce qui est beau, c’est qu’on ne peut aller bien que si tout le monde est au max. Comment apprécier la vie si ton frère, ta mère galère derrière ? Ce désir d’avancer ensemble, sans laisser personne derrière, on a l’intime conviction que c’est le bon modèle pour faire face aux différentes crises que le monde traverse.
Du coup, pour nous, ce sera ensemble ou rien. Partager les opportunités, et les revenus équitablement, si on y regarde bien, c’est bien normal d’agir ainsi, Yann.
Un label bien géré aujourd’hui, contrairement à ce qui est souvent dit, ça peut générer un peu d’argent. C’est donc normal de récompenser chaque artiste équitablement. Et pour nous, de ne pas rétribuer que les personnes, mais aussi la synergie qu’il y a eu entre ces personnes : chaque membre a un rôle autant précieux qu’un autre. On aimerait pouvoir tendre vers plus d’équilibre entre les revenus provenant des gigs (90%+ habituellement), et le reste. C’est important, surtout en ce moment. On espère également pouvoir réinvestir une partie de ces revenus dans le financement de nouveaux projets, artistiques et/ou écologiques, et surtout collaboratifs.
La suite, pour Mama Loves Ya, c’est quoi ? Des perspectives sur le long terme ?
Jules (Daddy cool – Management) : Pour l’instant, vu la situation et l’absence de gigs à (relativement) moyen terme, on va y aller tranquille, organiquement. Bosser sur ces à-côtés, aider les artistes à se diversifier (collaborer sur des projets dans la mode, la dance, le cinéma, etc.), à trouver d’autres sources de revenus (produire des tracks, monter des labels, travailler sur l’édition de leurs œuvres – avec Underscope notamment), à mieux promouvoir leur musique, et à travailler sur des engagements plus éco-responsables avec eux.
On essaye de ne pas s’emballer, car on sait que ce que l’on propose est compliqué, notamment sur la partie écologie, qui va dépendre aussi de notre capacité à mobiliser d’autres acteurs de l’écosystème autour de nous. Et parce qu’on veut faire les choses bien pour les premiers artistes avant tout. On se laisse 2021 pour prouver que ça peut fonctionner. Mais à plus long terme, si ça marche, que les évènements reprennent, que l’on sent que c’est utile, si l’on voit qu’il y a une demande, qu’on tient nos engagement – et ça fait beaucoup de si hein !
L’idée c’est évidemment d’élargir le « cercle familial », en accueillant de nouveaux artistes, de s’ouvrir aussi à d’autres horizons de la musique électronique. Et, pourquoi pas, de collaborer avec des agences de booking déjà en place pour aider leurs artistes sur ces questions-là 🙂
Un mot de la fin ?
Yann (Fairy godmother – Communication) : On reste humble, car pour l’instant, tout ça ce ne sont que des mots. C’est facile, et le plus dur reste à faire. Mais on se donne rendez-vous dans quelques mois pour vous montrer notre avancée. Franchement, on est impatient·e·s d’agir. On a tou·te·s notre Mama à rendre fière.