On assiste de nos jours à un retour de l’electro avec des artistes phares tels Helena Hauff, DJ Stingray, Drexciya… Mais qu’est-ce vraiment l’electro? Beaucoup ont une notion assez vague du terme et de son histoire, c’est pourquoi on vous propose une petite incursion.
Electro à la base veut bien sûr tout simplement dire électronique. L’appellation musique électronique désigne toute composition musicale faite principalement grâce à des machines, mais ce terme veut maintenant dire autre chose. En fait l’electro est de nos jours souvent considéré comme un des sous genres de la techno. La base historique est quasi commune et le lieu principal est Detroit.
L’élément principal qui le définit est l’utilisation de boîtes à rythmes, principalement la fameuse Roland TR-808. On peut y ajouter l’utilisation fréquente de Voicoders et Talkbox, ainsi que la conception de rythmiques où l’on ressent vraiment fortement l’influence de la funk. Le son est tout en oscillations et modulations, les nappes ont un côté un peu inter galactique, Sci-Fi, futuriste, robotique et on retrouve ces éléments dans beaucoup de noms d’artistes et visuels electro. Mais il n’y a pas de formule établie, les styles et sonorités sont riches et variées. On peut donc retrouver des sons electro plus hip-hop/ funk… D’autres plus indus, d’autres avec une forte composante new wave… Et on en passe.
Au début des années 80, le disco décline alors qu’apparaissent de nouveaux genres qui vont mutuellement s’influencer. On se doit de parler de la naissance du hip-hop dont l’histoire partage beaucoup de références avec la techno. Les deux genres tirent une grande partie de leur inspiration de la funk, jazz fusion, ainsi que de l’italo disco, ou encore la musique électronique avant-gardiste de l’époque avec bien sûr comme artistes emblématiques les légendaires Kraftwerk ou encore Yellow Orchestra, ainsi que de la new wave et synth-Pop. De fait, dans les années 80 beaucoup d’artistes et sons hip-hop de l’époque flirtent perpétuellement avec les différents genres cités ci-dessus. On pense notamment aux mythiques Afrika Bambaata& Sonic Force et l’album phare Planet Rock. En effet l’album est totalement inspiré (inspiré, pas copié hein…) par Kraftwerk (qui font d’ailleurs partie des crédits de l’album pour la reprise du synthé de « Trans Europe Express » sur le track du même nom que l’album). Une autre influence majeure de cet album est Gary Numan qui est un artiste pionnier Synth-Pop qui sera amené par la suite à verser dans un son plus indus et à collaborer avec Nine Inch Nails et faire des tournées avec leur batteur. L’ electro apparaît donc au début plutôt en parallèle avec le mouvement hip-hop. Mais avant ça, c’est réellement la funk qui fait émerger cette sonorité. Un terme souvent utilisé au début montre d’ailleurs bien le lien: electro-funk. Cependant, le genre se développe avec le hip-hop puis se rapproche rapidement de la techno naissante et évoluera dès lors à ses côtés.
Dès la fin des années 80 Underground Resistance change le cours de l’histoire. A l’époque, quasiment tous les artistes qui font ou feront par la suite partie du collectif composent également des musiques electro et c’est UR qui fera pivoter le son electro du côté techno. C’est, cependant, le duo mythique Drexciya (dont Stingray était alors le DJ lors de leurs tournées) qui marquera le plus l’évolution de ce son et en est l’une des références principales. Faisant également partie de Underground Resistance, ceux sont eux qui vont instaurer les nouveaux codes. Ils évoluent autour de la notion d’afrofuturisme ( développée également par des artistes comme Sun Ra, Jean Michel Basquiat…) et possède un thème récurrent qui est le monde aquatique Drexciya, habité par les drexciyans, créatures sous-marines semblables à celles qui devaient habiter l’Atlantide. Ils développent le côté spatial et Sci-Fi très populaire dans la techno à l’époque. Démarrant en 1989, ils se font remarquer à partir de 1994 avec « Aquatic Invasion ». Fidèles aux valeurs de base d’Underground Resistance, le duo reste très longtemps anonyme. James Stinson décédé en 2002 est reconnu à titre posthume. Par la suite, Gerald Donald sera identifié comme le deuxième membre du groupe. Il est également le fondateur de Dopplereffekt.
On peut aussi parler de Aux 88, à la base un duo formé à Detroit bien sûr, aussi connu sous les alias de Aux Men et Alien FM. Ils ont composé quelques bijoux, notamment l’excellent « Direct Drive » imparable sur le dancefloor.
Après s’être intégré brièvement à Aux 88, Anthony Horton rejoint Scan 7, un autre groupe affilié à Underground Resistance recherchant un son plus dur et un engagement plus militant. Fidèle à la tradition US, Scan 7 produira des styles variés (techno, house, electro…Le genre compte peu au final pour les américains) devenus des classiques. D’autres incontournables de l’époque et jusqu’à maintenant sont Ultradyne. Comme un « rituel » quand on vient à Detroit, les 2 garçons jouent le mystère et jouent à visages couverts. Ils ne sont cependant pas affilié à UR, ce qui est presque étonnant. Tous ces groupes sont assez discrets bien que légendaires. Le 1er EP d’ Ultradyne « E Coli » sort sur Warp en 1995. A l’époque Warp sort un set de trois EP, les deux autres étant Drexciya « The Journey » et Elecktroids « Kilohertz » . C’est une série phare pour l’electro.
De l’autre côté de l’Atlantique, c’est Daft Punk qui emmène le wagon electro au sommet l’alliant au funk, rock, disco, house, bref un mélange savant bien à eux et un son toujours pop, très propre… Et très frenchy. Ils ne cessent de se réinventer et ont la carrière qu’on leur connait, atteignant le statut de véritables popstars. Dans la même mouvance, Pedro Winter et son label Headbanger sont eux aussi des noms clés de l’electro, surtout en France ou tout ce beau monde développe la french touch qui faisait déjà parler d’elle depuis quelques années.
Fin 90 à New York émerge un courant à part et qui sera d’ailleurs de courte durée:
L’electroclash. Ce mouvement sera repris en Europe particulièrement où il fera fureur. Les artistes emblématiques sont Felix da House Cat, Miss Kittin and The Hacker, Fischerspooner, Legowelt, Dopplereffekt, DJ Hell et son label International Deejay Gigolo Records… Le parti pris est souvent un côté Punk, Wave et même pop affirmé, et un certain aspect performance . Le terme est lancé par un DJ New Yorkais: Larry Tee. Le mouvement décline avant fin 2010, mais beaucoup des artistes phares de l’époque sont légendaires et aujourd’hui encore reconnus et appréciés.
En parallèle avec la techno, c’est en s’exportant à l’étranger et étant développé par les artistes locaux que l’electro prend vraiment toute son ampleur et après une petite période de creux , elle rencontre depuis quelques années un nouvel élan.
Actuellement, les figures de proue du son electro sont bien sûr : Helena Hauff, DJ Stingray, mais on peut aussi parler d’Alienata, Dr Rubinstein, Umwelt, Galaxian et The Exaltics qui nous a accordé quelques mots. On ne peut manquer de se pencher aussi sur The Egyptian Lover qui est, quand à lui, LA référence electro hip-hop de ses débuts à nos jours. Puisant dans l’essence du genre, il le fait constamment évoluer vers un côté moderne sans jamais renier la base. Stylé et dérisoire à souhait, il joue avec les codes et clichés du genre et est un performer de folie. Ayant commencé sa carrière dans les années 80 il est à l’instar de Stingray un artiste qui est là depuis longtemps et a su évoluer tout en restant fidèle à lui même. Mais alors que Stingray a vu sa côte de popularité monter depuis quelques années seulement avec la renaissance de l’electro, The Egyptian Lover a toujours été un maître de l’underground en dépit des modes et tendances.
En petites pépites ultra underground de nouveaux noms apparaissent comme l’exubérant Textasy qui mêle electro, hardcore, ghetto house, hip-hop, RNB, D’nB, de manière totalement décomplexée, l’artiste mexicaine Lokier, basée à Berlin qui monte très vite et évolue dans des sonorités plutôt wave/ dark wave ou encore Shredder et son label Tropical Goth; un proche de The Horrorist qui nous livre une version plus EDM et Indus.
En conclusion, le terme electro désigne un son particulier avec des caractéristiques faciles à comprendre et qui a vraiment sa propre histoire. Cependant, quand appliqué à eux, beaucoup d’artistes préfèrent délaisser cette catégorie pour celle plus générale d’artiste techno (ou autre). Et ils ont raison! Car si aujourd’hui on a tendance à utiliser ce terme de manière générique et en raccourci, l’electro est en fait plus une sonorité (on peut d’ailleurs faire le parallèle avec le terme indus ou hardcore. T’écoutes du hardcore punk ou techno?) pouvant s’appliquer à divers genres plutôt qu’un style musical vraiment défini.
Petit illustré sonore
Au début :
– Ryuichi Sakamoto: Riot in Lagos (1980)
-Afrikaa Bambaataa : Planet Rock (1986)
Puis:
–Doppler Effekt: Gesamtkuntswerk (1999)
– Vitalic: Poney Part 1 (2001)
– Miss Kittin And The Hacker: Stock Exchange (2003)
On continue avec:
-Legowelt: Congo Zombie (2005)
– Helena Hauff: Break Force (2013)
-DJ Stingray: Acethylcholine (2015)
C’est tout frais:
-Textasy: They’re Trying To Control My Mind
-Vernacular Orchestra: Latijid