Nov
26, 2018
Soul Edifice, reflet d’une génération déterminée et audacieuse
Le jeune homme est partout. Proche d’AZF et membre de son collectif Qui Embrouille Qui, on le retrouve également chez Acid Avengers – sous branche de l’excellent label Tripalium -, ou encore à la tête de son propre label, au sein d’une formation live à 14 mains, et bien évidemment derrière un DJ booth ! Il était temps de se poser en terrasse et discuter avec Theo, le genre de gars que l’on pourra aisément ranger dans la catégorie des hyperactifs du son.
Il nous aura fallu pratiquement deux heures pour tenter d’aborder Soul Edifice sous toutes les coutures, et il en ressortira un maître mot : humilité. A tout juste 24 ans, le petit gars a accumulé une sacrée expérience et fait partie de « cette nouvelle génération, celle qui débarque avec de nouveaux codes » et grand bien fasse à la scène parisienne.
Issu de parents artistes, le bambin est élevé à bonne école et s’épanche à loisir dans la collection de son père. De l’androgyne et regretté Bowie, en passant par Supertramp jusqu’au guitariste de jazz manouche, Django Reinhardt, son oreille s’éveille et se développe avec les dix années de guitare qui s’en poursuivront. Accompagné d’un professeur punk, l’impasse est faite sur le solfège, « il faut se faire confiance ». Et cette philosophie se poursuit jusqu’à maintenant, de l’harmonie, des arrangements, et un seul credo : « tout à l’oreille ».
Le déclic se fait à l’adolescence. Après avoir acheté son premier disque qui sera le classique mais néanmoins excellent Demon Days de Gorillaz, il poursuit ensuite le schéma classique : un controleur offert par les parents, plusieurs semaines d’enfermement dans la chambre d’enfant, l’enfant est mordu, le virus a pris, ce sera la musique.
Après une première date au 45 Tours, passage obligatoire de tout disc-jockey débutant, il se perfectionne au sein de son crew Autarcie. Teufs illégales sous des ponts, soirées aux Beaux Arts ou parmi son BDE, un premier pied est mis à l’étrier et lui permettra d’y rencontrer FX, futur membre de l’impressionnant projet Vernacular Orchestra – vous savez, le live à 7 dont on parle en intro. La machine est enclenchée, il en profite pour se mettre à la production et l’explore au maximum.
» On est tous geek à notre manière «
Après avoir fait ses armes sur Ableton – il est désormais sur Logic -, il tâtonne assez rapidement les machines et se compose une véritable petite collection. « Les machines tu les sélectionnes pour leur source, comment elles sonnent. En achetant tes machines, tu fais ton son ». Alors que certains iraient en école d’ingénieur du son, ou en formation MAO (ndlr : musique assistée par ordinateur), Theo se perfectionne auprès de son nouveau crew. Sept entités, réunies pour ne faire qu’une et dont la plupart sont effectivement des professionnels du son, quelle meilleure formation que d’apprendre en pratique, sans brider sa créativité ?
Encore jeune, Soul Edifice semble pourtant être arrivé à un certain âge de maturité. Celui qui souhaite orienter sa musique, la conceptualiser, s’investit désormais pleinement dedans. Loin derrière cette période de techno mentale qui ne lui correspondait pas, il s’épanouit dans le breakbeat, l’acid jusqu’à l’early trance et les gros kicks à 140 BPM.
Des références ? Elles sont nombreuses et vastes et iront taper des fameux Luke Vibert, Boards of Canada, Drexciya, jusqu’à la scène plus contemporaine et proche de nous, Textasy, Puzupuzu, JKS, et bien d’autres…
« Un juste milieu entre la pop culture et l’underground »
La route est sûrement encore longue cependant elle prend forme. Après le lancement de son label cette année, Vernacular peut se vanter d’être déjà parent de trois sorties dont une en physique.
Nota bene : les disques viennent tout juste d’être distribués dans les shops et sur l’internet, il n’y en a que trois cents, vous savez ce qu’il vous reste à faire.
Suivi par des artistes de noms, tels que Zadig ou encore Voiski, le projet a beau « être récent, il faut que les choses se fassent ». Les plus grands ne s’y sont pas trompés, et les ont retrouvé le week-end dernier au Rex Club, mythique floor parisien. Pour les retardataires, ce sera direction Concrète le 10 décembre, et quant aux lorrains, ils investiront LNVRS Club de Nancy le 7 décembre.
Quand Vernacular décolle, Soul Edifice se propulse, et notamment grâce au soutien de l’omnipotent collectif Qui Embrouille Qui, initié par DJ AZF et Pasteur Charles. En créant un projet fédérateur, et en « engageant sa carrière, son temps, son argent mais aussi sa foi », quinze new-comers évoluent peu à peu, au travers de foule de dates en France, d’un festival à la Station Gare des Mines et divers projets annexes. Finalement un partage intergénérationnel au travers la musique qui permet aux talents de demain d’éclore entre de bonnes mains. Big up.
Et maintenant, ça produit quoi ? On le retrouve dans nos casques dès le 21 décembre au travers du futur EP d’Acid Avengers, où Theo et AAAA seront mis en avant. Paraîtrait-il qu’un EP house serait également dans les tiroirs, et même quelques tracks trap.
Le producteur prend plaisir à faire de la musique. Alors qu’il s’initiait il y a encore quelques années, il semble désormais prendre conscience des choses, « ce genre de choses dont seul le temps est capable ». Les opportunités se développent, croissent même, l’on cherche ses morceaux au travers des fameux tracks ID, la sauce a pris. Quand certains critiqueront son envie de reprendre Drexciya -remarqué notamment par Trax Magazine-, le principal intéressé mettra tout le monde d’accord : « quand tu ne retravailles pas les artistes qui te plaisent, tu n’apprends pas. Mais lorsque tu écoutes 10 fois une boucle de Drexciya, tu saisis comment ils travaillent ».
Côté scène, les parisiens seront servis, puisque ce n’est pas une mais deux fois qu’il marquera les pistes de danse.
Au centre de Paris, les NF-34 a vu juste en confiant ses jeudis au collectif Newtrack, que l’on ne présente plus. Avec un concept osé, les Newtrack Gang Bang, que les plus chastes ne sauront voir, ce sera l’occasion pour notre artiste de la soirée de faire ses débuts dans ce club remanié et prêt à repartir pour une saison.
De l’autre côté du périph, c’est les gars sûrs de Fée Croquer qui l’accueilleront pour un B2B aux côtés de Lacchesi, roi des afters parisiens : « Enfin ! », s’exclame Theo. Même génération, plusieurs dates ensemble à leurs compteurs, on ne doute pas que l’alchimie se fera sans souci. « Les Fée Croquer, ce sont des fêtes généreuses, ça se ressent. Ils sont suivis partout en France, ils ont réussi à fédérer ».
Alors que les clubs semblent accuser un coup de baisse de popularité, le résident de Qui Embrouille Qui propose de donner leur chance à ces organisateurs à l’image du collectif solidaire, la Quarantaine, et bien d’autres, de repenser le club de manière différente. Incroyable de penser que certains endroits ferment encore leurs portes à ces nouveaux venus plein d’ambitions et ayant démontré maintes fois leurs volontés de faire bouger notre scène.
« La fête c’est un tout », c’est sur ces mots que l’entretien prendra fin. Ce qui est certain, c’est que cette nouvelle génération la bien compris. Longue vie à elle, et tout particulièrement à Soul Edifice ♥️
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Ecrit par

Marion Delpech
Co-founder
Après plusieurs années à côtoyer le monde de la musique électronique en tant que spectatrice, Marion a démarré l’aventure PWFM en octobre 2015 avec 3 autres compères. Plateforme multi-tâches ayant pour vocation première de donner de la visibilité aux jeunes talents de musiques électroniques, elle englobe une web-radio, un webzine, de la production d'événements ou encore l'organisation de tremplins au sein d'événements d'envergure.